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21 septembre 2021

Le beau temps.

On allait au supermarché, mes parents, mon frère et moi.

Je commençais à peine à savoir déchiffrer quelques mots.

Je me souviens de la musique d’ambiance jetée en pâture au dessus des étals, Rod Stewart, Electric Light Orchestra, Abba, Patrick Juvet, Gérard Lenorman, …

Les parents nous déposaient gentiment là où s’étalait le rayon bande-dessinée, plein d’images à dévorer, plein d’histoires où s’aventurer, ils nous récupéreraient avant de passer en caisse.

Nous n’étions pas seuls, bien d’autres gamins lisaient, assis à même le carrelage ou, pour les plus chanceux, les fesses à demi reposées sur la tablette la plus basse du rayon, ce qui assez rapidement nous ankilosait tout le cul sans même que l’on s’en aperçoive.

On se plongeait dans la lecture et le monde disparaissait.

Délaissant les imagiers, je m’étais découvert un profond intérêt pour les aventures de Tintin et Milou.

Quand on revenait nous chercher, ça me semblait toujours trop tôt.

La relativité du temps.

Comme nous avions correctement rempli notre part du contrat en nous faisant sagement oublier pendant le rituel dédié au dieu de la consommation de masse, nous avions droit de choisir une bande-dessinée. C’est ainsi que fut rapidement constituée ma collection Hergé au rythme d’un album par semaine.

Pour toujours, ma première B-D, « Tintin et l’étoile mystérieuse » sera indissociable de « Song for a guy » d’Elton John que balançait le supermarché ce jour là, de la couleur jaune orangé des voilages de notre salon où je relisais cette histoire vautré dans un profond fauteuil en velour beige et de l’odeur douce des troènes en fleur que taillaient mon père ce printemps là.

Ce furent de merveilleuses saisons.

 

Nous habitions dans la petite maison d’une petite cité tranquille d’une petite ville.

 

Ma mère me paraissait si grande et si belle, j’aimais au matin la retrouver dans le grand lit et respirer son odeur, blotti, le nez caché dans ses cheveux roux.

Institutrice, elle fut ma première maîtresse à l’école maternelle mais, sans doute trop petit alors, je n’en garde que peu de souvenirs si ce n’est celui de l’odeur de la gouache liquide et celui de la pâte à modeler qu’elle faisait se ramollir en la posant sur les vieux radiateurs en fonte de l’école que, directrice quelques années plus tard, elle fit baptiser « école maternelle Anne Franck ».

Quelques années avant de partir en pré-retraite pour dépression. Une dépression comme un trou noir qui ne demande qu’à dévorer tout ce qui se trouve à sa portée, le Temps, l’Espace et l’Amour.

 

La vocation de mon père était d’être instituteur.

Un instituteur à l’ancienne, barbe noire dévoué à ses élèves, sa foi dans les valeurs de l’éducation laïque et républicaine drapée dans une intemporelle blouse bleue tachée de craie que jamais ma mère, à grands renforts de railleries, ne parvint à lui faire abandonner jusqu’au dernier jour de sa carrière.

Bien plus sévère en classe que d’ordinaire avec mon frère, né deux ans avant moi, ma mère avait insisté pour ne pas renouveler l’expérience.

Ce fut donc son collègue et ami qui m’accueillit en classe de CP.

J’arrivais néanmoins chaque matin avec lui bien plus tôt que les autres élèves afin qu’il puisse « préparer son tableau » et, en attendant l’heure de rejoindre ma classe, je le regardais dessiner sur le grand tableau encore noir, à main levée, un clocher qui servirait pour le « ER » de « CLOCHER », une tulipe pour le « TU » de « TULIPE », et même Casimir pour enseigner le « IR ».

De ses dessins, il réalisait des affichettes pédagogiques qui décoraient sa classe et, parfois, c’est avec la conscience de bénéficier d’un grand honneur que j’étais mis à contribution pour poser la couleur au crayon. Quant aux feuilles d’exercices qu’il illustrait, c’était avec joie que je me chargeais de faire tourner le papier carbone dans la Ronéo aux entêtantes effluves d’alcool à brûler.

Après la classe, mon père « faisait l’étude » et, jusqu’à la fin du collège, je le rejoignais alors, m’asseyais dans le fond de sa classe, expédiait mes devoirs et couvrais des cahiers et des cahiers de dessins de rêves, d’expériences, d’instants passés ou à venir.

De ce temps, je garde ancré en moi le goût du joyeux brouhaha des cours de récréation qui, parfois, ne peut empêcher mon âme d’exprimer un lointain « si vous saviez… ».

ddf

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